L'homme et ses civilisations ont besoin d'un accès constant à l'eau pour vivre. La sécheresse peut résulter de précipitations anormalement faibles, parfois combinées à une évaporation anormalement élevée, causée par un air plus chaud et plus sec. Il s'agit, par définition, d'une aberration temporaire par rapport à un modèle historique.
La sécheresse s'est avérée être l'un des phénomènes météorologiques extrêmes les plus perturbateurs. Elle a joué un rôle dans l'instabilité politique qui a conduit à la disparition de grandes civilisations anciennes et a contribué à la plus grande migration de l'histoire des États-Unis survenue à l'intérieur du pays pendant les années du "dust bowl" de la Grande Dépression. Plus récemment, elle a au moins aggravé la crise des réfugiés dans le monde.
Une sécheresse peut prendre des semaines, des mois, voire des années à se développer et à se dissiper. Alors que nous évoluons dans un climat changeant, comment reconnaître qu'une météorologie plus chaude et plus sèche est une période de sécheresse qui va prendre fin ou qu'il s'agit d'une transition vers un climat durablement plus sec ? Et comment allons-nous nous préparer à relever les défis que le climat est susceptible de nous donner ?
La sécheresse dans des endroits inattendus.
Racontée par
Devika Bakshi
L'Alberta se trouve au cœur du Canada et a des paysages riches et diversifiés. Les forêts boréales marécageuses du nord et les prairies sèches du sud sont reliées par des rivières qui prennent leur source à partir des précipitations dans les Rocheuses canadiennes à l'ouest. L'immense étendue de terre de l'Alberta est soumise à des hivers longs et à des étés courts, ce qui en fait un endroit où il est difficile de vivre. Cependant, le développement de variétés de blé à maturation plus précoce au début du XXème siècle a permis à la région de devenir l'un des greniers à blé du pays.
Lorsque l'on pense à la sécheresse, le centre du Canada n'est peut-être pas le premier endroit qui nous vient à l'esprit, mais la sécheresse est liée aux modèles locaux de température, de précipitations et d'humidité du sol. La sécheresse peut survenir partout où il y a de l'eau, et elle peut se propager et avoir des effets cumulatifs. En fait, le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde et ses écosystèmes ont du mal à s'adapter.
Par exemple, des chutes de neige ou de pluie anormalement faibles peuvent entraîner un assèchement du sol. Si le manque de précipitations persiste, le débit des rivières risque de diminuer, ce qui affectera les villes et les villages en aval de ces rivières. Ces conditions peuvent s'aggraver d'elles-mêmes, par exemple lorsque des forêts plus sèches évacuent moins d'humidité et engendrent donc moins de pluie et de neige. Cela a un effet sur les futurs modèles météorologiques.
L'eau utilisée par les habitants et par les exploitations agricoles de l'Alberta provient à 97 % de sources superficielles, telles que les rivières et les lacs, qui dépendent des précipitations et de la fonte des neiges. Or, ces deux phénomènes sont susceptibles de changer à l'avenir en termes de calendrier, de localisation et d'intensité. Au cours des dernières décennies, les plaines de l'Alberta ont subi de plus en plus de périodes de sécheresse, parfois accompagnées d'épisodes imprévisibles de fortes précipitations qui entraînent de mauvaises récoltes.
Survivre dans une zone climatique qui se rétrécit.
Au sud du désert du Sahara, la région du Sahel s'étend comme une ceinture sur le continent africain. Il s'agit d'un mélange particulier de prairies sèches semi-arides, de savanes, de steppes et d'arbustes, et c'est l'un des premiers paysages où l'homme s'est installé.
Le Sahel
Zone climatique
Climat aride
Climat semi-aride
Population
Plus de 300 millions
L'eau est rare au Sahel, mais la vie locale s'est adaptée pour en tirer le meilleur parti. Les rares précipitations n'ont lieu que pendant la courte saison des pluies, tandis que le reste de l'année est sec, avec une chaleur et un ensoleillement constants et intenses. Les espèces de graminées annuelles entrent en léthargie pendant la longue saison sèche et se réveillent l'année suivante lorsqu'il pleut. Les animaux de pâturage et les grands prédateurs comme les guépards et les lions peuplent les terres, et les oiseaux migrateurs visitent les zones humides durant la saison.
Aujourd'hui, le Sahel se réchauffe 1,5 fois plus vite que la moyenne mondiale. De ce fait, la région voit son fragile équilibre perturbé. Les cultures ne bénéficient plus des pluies régulières dont elles ont besoin, même si elles étaient rares. Elles restent des mois sans eau et les périodes chaudes et sèches s'allongent et s'intensifient. Ces périodes sont interrompues par des pluies diluviennes que le sol desséché ne peut pas absorber. Les périodes de sécheresse sont temporaires, mais il est peu probable que ces changements s'inversent. La transition vers un climat durablement plus sec est connue sous le nom d'aridification.
Aridification
L'aridification est la transition à long terme d'une région vers des conditions plus sèches et plus arides. Celle-ci se mesure par la diminution de la teneur en eau du sol. Le changement climatique entraîne une aridification dans le monde entier, notamment dans le bassin du fleuve Colorado et dans d'autres régions de l'ouest des États-Unis. Cette aridification crée des conditions plus chaudes et plus sèches qui font diminuer les précipitations, augmenter l'évaporation et qui assèchent les nappes phréatiques. Les scientifiques estiment que l'aridification d'une région est probablement irréversible, du moins à l'échelle humaine.
La moitié des 300 millions d'habitants du Sahel vivent déjà dans une situation d'extrême pauvreté. Les conditions plus chaudes et plus sèches rendent la survie encore plus difficile. Il y a moins d'eau, moins de nourriture, la perte des moyens de subsistance et les conflits se multiplient. La croissance rapide de la population exerce une pression supplémentaire sur les ressources naturelles. À mesure que le climat local change, ces luttes s'intensifient.
Combattre le désert.
Le désert de Gobi connaît des conditions climatiques extrêmes et des vents violents. Pendant des milliers d'années, des prairies et des régions semi-arides ont entouré ce gigantesque champ de sable au sud des steppes mongoles. En 1928, la Chine comptait environ 475 millions d'habitants, dont peu d'entre eux vivaient à proximité de ces frontières. Toutefois, au cours des 50 années suivantes, la population du pays a augmenté de 450 millions d'habitants, doublant ainsi les besoins en terres et en eau. Les populations ont défriché les terres frontalières pour en faire des terres agricoles ; les villes en expansion ont annexé les fermes existant près de la frontière et ont exploité les eaux souterraines pour l'irrigation et l'usage urbain.
The Three-North Shelter Forest, Chine du Nord
Zone climatique
Climat semi-aride
Climat semi-désertique
Steppe
Population
150 à 200 millions
Ces actions ont permis d'ameublir et d'assécher le sol, qui formait auparavant une frontière vivante avec le désert. En l'absence de cette frontière naturelle, le désert de Gobi a commencé à s'étendre. Des vents violents ont dévasté la région, diminuant la précieuse couche du sol restant, et des tempêtes de poussière sans précédent ont commencé à recouvrir le nord-est de la Chine avec du sable.
En 1978, les dirigeants chinois ont annoncé la création de la Three-North Shelter Forest, un plan visant à stopper, voire à inverser, l'expansion du désert et à protéger les citadins de l'air pollué par le sable. Elle est parfois appelée "la grande muraille verte" car elle suit un tracé similaire à celui de la grande muraille de Chine, construite il y a des millénaires pour écarter les menaces d'invasion mongole. La pièce maîtresse de cette politique était la plantation de milliards d'arbres pour retenir le sol et amortir les vents.
Au cours des 30 premières années du programme, les fonctionnaires se sont concentrés sur la vitesse, favorisant les peupliers à croissance rapide, qui survivent aux hivers rigoureux et froids dans d'autres endroits. Cependant, ces quasi-forêts ont rapidement été confrontées à des défis de taille : les jeunes plants dénudés et vulnérables ont besoin de soins, les monocultures sont particulièrement sensibles aux parasites et aux maladies, et le climat est devenu beaucoup plus sec que celui des régions, où les peupliers poussent à l'état naturel.
Au cours des dernières décennies, les dirigeants chinois ont tiré les leçons des difficultés rencontrées précédemment. Des engagements considérables en termes de travail, d'expertise et d'argent ont contribué à rapprocher le projet de ses objectifs. Cependant, à la lisière du Gobi, les températures continuent à augmenter tandis que les précipitations diminuent, ce qui complique la tâche pour freiner l'avancée du désert.
Chaleur, sécheresse et incendies.
Une bande de terre située à l'extrémité sud-ouest de l'Australie a un climat rare pour le continent. Alors que la majeure partie de l'intérieur de l'Australie est un désert chaud et sec, Perth et ses environs forment une oasis très productive : fraîche et luxuriante, avec des hivers pluvieux et des étés secs. Ce climat particulier est appelé "méditerranéen" parce qu'il se trouve dans les terres qui entourent la mer Méditerranée en Europe et en Afrique du Nord. Un climat similaire peut être trouvé dans certaines région dans le monde, de l'Afrique du Sud en passant par le Chili jusqu'à la Californie du Nord.
Perth, Australie
Zone climatique
Climat méditerranéen
Coordonnées
31,9°S
115,9°E
Population
2,1 millions
Le peuple aborigène Noongar a bénéficié de ce climat agréable et tempéré pendant des dizaines de milliers d'années, avant que les colons n'arrivent et commencent à s'emparer des terres fertiles et à repousser la population indigène. Aujourd'hui, cette zone climatique se rétrécit au fur et à mesure que ce désert brûlant, en forme d'ovale bombé et situé au centre de l'Australie, empiète sur le peu de terres profitant encore d'un climat méditerranéen.
La sécheresse transforme le paysage, sous l'effet du changement climatique. Les longues périodes sans précipitations sont un défi pour l'agriculture, y compris pour les vignobles où la qualité du vin est directement liée à des conditions environnementales précises. Mais les risques sont bien plus graves que les questions de qualité, voire de viabilité, de la viticulture.
Plus les périodes de sécheresse se prolongent, plus leurs impacts s'intensifient. La sécheresse finit par assécher les nappes phréatiques, les rivières, et la végétation se dessèche et meurt. La conjonction de la sécheresse et de la chaleur extrême créent un effet de poudrière. Des incendies dévastateurs ont ravagé des terres autrefois verdoyantes et productives à Perth et dans ses environs.
Le climat martien.
Mars est la seule planète comparable à la Terre dans notre système solaire - et certains aspirent à y vivre - mais son climat est considérablement différent de celui de la Terre. Alors que l'atmosphère terrestre retient une partie de l'énergie qui rayonne de la surface de notre planète, l'atmosphère martienne est si fine qu'elle n'a qu'un très faible effet de serre. La température moyenne de l'air à la surface de Mars est d'environ -62°C (-80°F).
Mars
Zone climatique
Désert glacé
Coordonnées
À 142 millions de kilomètres du soleil
Population
0
Mars est complètement sèche, mais il ne s'agit pas d'une période de sécheresse car il n'y a aucune chance que les conditions de sécheresse cessent. Il n'y a pas d'eau sous forme liquide sur la planète. Le pôle Nord de la planète est recouvert d'une calotte glaciaire composée d'eau gelée et de dioxyde de carbone, et les scientifiques ont détecté de grandes quantités d'eau gelée sous la surface de la planète. Cependant, même si sa surface se réchauffait, l'eau se transformerait immédiatement en vapeur du fait de la faible pression atmosphérique. Le pôle sud de Mars est recouvert de CO2 gelé (glace sèche), qui tombe du ciel pendant l'hiver de cette région.
Avec des vents violents fréquents et l'absence de plantes ou d'eau pour retenir les matériaux de surface, Mars est couverte de poussière. Certaines tempêtes de poussière recouvrent toute la planète. Contrairement à la Terre, Mars ne possède pas de champ magnétique. La surface de la planète est donc exposée en permanence aux rayons cosmiques. Ces conditions climatiques semblent trop rudes pour que la vie, quelle qu'elle soit, puisse se développer.
Bien vivre avec les contraintes de la nature
L'eau est indispensable à la vie. La perspective d'une transition climatique passant d'un climat verdoyant à un climat aride montre bien les limites de la nature. Mais elle peut aussi mettre en valeur la splendeur du climat dont nous avons hérité.
La Terre est extraordinaire et extraordinairement précieuse. La terre, l'eau et l'atmosphère offrent à l'homme une multitude de possibilités de bien vivre de manière durable. Il faudra de l'imagination, du courage et beaucoup de travail. Mais c'est un travail qui en vaut la peine, car il y a beaucoup de choses que nous pouvons encore préserver et apprécier.
C'est dans cet esprit que nous vous invitons à parcourir nos cartes et à imaginer de nouveaux modes de vie compatibles avec les limites de notre planète vraiment unique.