Analyser le passé et tirer des leçons de notre relation avec la Terre.
- Devika Bakshi
Les terres luxuriantes et pleines de ressources de la Terre nous ont permis de développer nos communautés, de nous étendre à travers le monde et de subsister pendant plus de 200 000 ans. Même aujourd'hui, alors qu'une grande partie du monde moderne semble être dominée par la technologie et les espaces fortement aménagés, nous sommes encore totalement dépendants de la nature, en particulier de toutes les ressources qu'elle nous offre.
Tout au long de son histoire, l'humanité a expérimenté différents modes de vie et d'interaction avec la terre : la chasse et la cueillette, le pastoralisme, l'agriculture de subsistance et l'agriculture industrielle, pour n'en citer que quelques-uns. Chaque pratique a transformé les terres et la vie animale et végétale environnante, avec différentes conséquences écologiques à long terme. Réfléchir sur le passé peut nous aider à faire des choix pour l'avenir. Comment nos attentes vis-à-vis de la Terre - et notre relation avec elle - pourraient-elles changer dans un monde qui se réchauffe ?
Modifications
Les premiers humains à développer des communautés sédentaires il y a environ 12 000 ans ont choisi des lieux au climat tempéré. Au cours des millénaires qui ont suivi, c'est dans ces régions que les populations humaines ont le plus augmenté et que l'agriculture et l'urbanisation se sont étendues aux forêts tempérées et aux savanes, éliminant souvent les écosystèmes existants.
Les peuples qui vivaient dans l'Arctique et sous les tropiques ont développé des cultures et des pratiques, qui avaient un faible impact sur les terres et qui ont même contribué à la préservation des écosystèmes de ces régions. Les anciennes pratiques agricoles indigènes en Amazonie ressemblaient souvent à ce que nous appelons aujourd'hui l'"agroforesterie" consistant à cultiver une grande variété de produits alimentaires dans les forêts.
Grâce à ces pratiques, tous les habitants de la Terre ont pu bénéficier du climat stable que ces lieux ont apporté : les tropiques ont absorbé et stocké d'énormes quantités de carbone dans les forêts. L'Arctique stocke le carbone dans le pergélisol et sa glace renvoie l'énergie du soleil dans l'espace. Aujourd'hui, les terres émergées nous permettent de capturer et de stocker environ 30 % des émissions annuelles de CO2 dans le monde.
Expansion
La découverte des combustibles fossiles au XIXème siècle a tout changé. En ouvrant la voie à une nouvelle vague de colonisation, d'industrialisation mondiale et de croissance démographique, nous avons transformé les terres du monde entier à un rythme jamais vu dans l'histoire de l'humanité. Nous utilisons aujourd'hui environ la moitié de toutes les terres habitables pour cultiver des végétaux destinés à l'alimentation humaine et animale et à la production de biocarburants. Notre combustion rapide de combustibles fossiles a encore accru nos exigences à l'égard de la Terre en lui demandant d'absorber une partie de nos émissions.
Pour répondre aux besoins d'une population croissante, nous avons également transformé nos pratiques agricoles. Pendant la plus grande partie de l'histoire de l'humanité, la production alimentaire était une entreprise locale, qui consistait à cultiver des végétaux locaux ou adaptées à la région, souvent avec des polycultures pour favoriser la santé du sol et sa productivité. La manière de cultiver reflétait les connaissances des fermiers locaux et des populations autochtones, qui étaient conscients des interconnexions entre les champs et les écosystèmes environnants.
Ce n'est qu'au milieu du XXe siècle, avec la "révolution verte", que les monocultures à haut rendement se sont imposées, sous l'effet des engrais chimiques et de la gestion de l'eau. Ces nouvelles pratiques ont permis de faire reculer la famine à court terme, surtout dans les pays les plus pauvres. Toutefois, à long terme, les pratiques de gestion des terres associées à la révolution verte ont nui à la productivité. Elles ont éliminé la biodiversité et les espèces locales culturellement importantes de notre approvisionnement alimentaire. Elles ont également rendu nos cultures et notre bétail plus vulnérables aux parasites, aux maladies et au changement climatique.
Domination
L'humanité a directement modifié les terres tout au long de son histoire. Cependant, ce n'est que ces dernières années que nous avons commencé à comprendre dans quelle mesure nous pouvons affecter indirectement le changement climatique mondial, principalement causé par l'utilisation de combustibles fossiles.
Bien que nous ayons compris les mécanismes physiques de l'effet de serre dès le milieu du XIXème siècle, ce n'est qu'au début des années 1980 que les scientifiques ont fait un lien entre la forte augmentation observée des températures mondiales et les concentrations plus élevées de CO2 dans l'atmosphère. Ces dernières sont dues à l'industrialisation. Plutôt que de tenir compte de l'avertissement des scientifiques, nous avons continué sur la même voie, doublant pratiquement les émissions de CO2 au cours des décennies suivantes.
Au cours de cette période, nous avons assisté à une augmentation des températures, à une sécheresse généralisée et à des conditions météorologiques plus extrêmes. Les glaciers ont reculé ou ont entièrement disparu. À la fin de l'été, la glace de la mer Arctique ne couvre plus que la moitié de la surface qu'elle occupait il y a 40 ans seulement. Les scientifiques pensent que, les forêts tropicales émettent aujourd'hui dans l'ensemble plus de carbone qu'elles n'en absorbent chaque année. Une tendance similaire est en cours pour le pergélisol dans l'Arctique. Il est indéniable que l'humanité a modifié tous les écosystèmes de la planète, même dans des endroits inhabités et que peu d'entre nous verront un jour.
Ces effets indirects sont susceptibles d'entraîner les changements les plus profonds de la biosphère terrestre à long terme. Le climat stable et les températures hospitalières de l'Holocène ont non seulement été favorables à l'humanité, mais aussi aux végétaux. Tout comme notre corps, nos coutumes et nos infrastructures sont adaptées à des environnements particuliers. Chaque plante a une niche climatique, dans laquelle sa photosynthèse, sa transpiration et sa fertilité se sont acclimatées. En dehors des plages de températures habituelles, les plantes souffrent et deviennent moins productives. Plus une plante est exposée à des températures élevées, plus elle subit de stress jusqu'à en mourir. Nous nous rapprochons dangereusement de seuils importants. Si le rythme actuel des émissions se maintient, les scientifiques estiment que certains des biomes les plus productifs au monde se dégraderont d'ici le milieu du siècle pour atteindre environ jusqu'à 50 % de leur capacité de stockage du carbone.
Dans un monde qui se réchauffe, nous demandons de plus en plus à la Terre : fournir de la nourriture à notre population croissante, supporter les plantes et les animaux qui soutiennent les écosystèmes, être biologiquement diverse et magnifique et "compenser" nos émissions collectives de carbone - passées, présentes et futures. Et nous lui demandons tout cela, alors que nous continuons à rejeter rapidement du carbone ancien dans l'air et que nous regardons les températures grimper à des niveaux que la majorité des écosystèmes ne seront pas capables de supporter.
Restitution
Pour répondre à nos besoins croissants, nous pouvons dépouiller la terre de ses ressources ou utiliser ses dons tout en régénérant ses nutriments pour l'avenir. En s'appuyant sur nos expériences passées en matière de gestion des terres, nous comprenons aujourd'hui mieux que jamais les conséquences de ces deux types d'activités. Depuis des centaines de milliers d'années, la Terre enrichit nos corps, nos communautés et notre monde. Mais il y a des limites physiques à ce qu'elle peut fournir. Si la Terre doit continuer à être le grand cadeau qui ne cesse d'être offert, nous - ses ultimes et uniques gardiens - devrons commencer à lui rendre la pareille.
Photosynthèse
Transpiration
La transpiration décrit le transport de l'eau à travers une plante. Les plantes absorbent l'eau par les racines et utilisent une petite partie de cette eau pour leur croissance et leur métabolisme. Les 97 à 99 % restants sont évacués de la plante par les pores des feuilles, des tiges et des fleurs. L'évacuation de l'eau à travers ces pores ouverts est le "coût" associé à l'absorption du carbone de l'air pour la photosynthèse.